LOCO16-CIBL

SUR LA ROUTE DU CINÉMA par Dan Albertini

Le train de l’art mettant en vedette : Faustin, Boncy, Volcy, Salgado et ses rails.

Le titre est symbolique, non suggestif. Je suis dans mon creuset. Critique fictive de scénario imaginaire. Ici il sert à illustrer une époque, ses besoins, ses amours. Je pense et je vois train de l’art. Sa formule « à tout art tout artiste ». Il me faut le film. Dire sur grand écran. Des noms remontent. Mémoire. Héctor Alterio, Federico Luppi, Pepe Soriano, Gastòn Pauls. Je suis en 2002 : musique. Nicolàs Baroldi, Hugo Josa. C’est le son de LOCO33. El Ultimo Tren du cinéaste uruguayen Diego Arsuaga. Prix Goya meilleur film étranger. Vieux d’une image qui parle. Le patrimoine ne se vend pas. Plus de gare, plus de sirène ni de sifflet. Le dernier voyage d’un équipage. Un risque, ne savoir l’arrêter, il le fait repartir. Autre train. Celui du crime de l’Orient express. Je connais l’histoire, ce n’est pas la nôtre. Quand j’ai pris conscience du Train-de-l’Art, un air de musique s’y était déjà installé ad consilium. Chargée de désirs, lesquels je ne sais en dire. Loin du péché de Montréal, je croisais mes fers dans le monde des affaires. Le jazz de Métropole by night, ce que Milcé appelle l’Alphabet des nuits, de mon époque, avait imprégné voir même sculpté mes neurones de jeune père. En quête de. Un nom flottait dans l’air. Saison Jazz en émergence, jeune révélation bi-nation, Harold Faustin sembla être le genre en soi. Mais lequel. Faustin était à la fois vapeur, panache, sifflet de départ en gare. Avec captain Salgado, un train dominical de l’art.

Le Train-de-l’Art, muni de caméra, non pas celle historique mais documentaliste, archivait pour générer, documentariste en quête de ressources, produire par la suite. Ce train propulsé tira sa vapeur avec panache et un fuseau sans parti-pris. L’auditoire se fit religieux à ce sacerdoce. Qui sera en ce sens le chapeau d’artiste-vilebrequin à découvrir, cette nouvelle audace, cette soupape, ce piston, la faune artistique se cherchait audience chez ce micro-instituteur. Il fallait poncer la culture. L’abondante houille blanche du terroir risquait de calcifier ce qui n’est culture féodale dominante ou piste commerciale moderne frivole.

Ce Train-de-l’Art venait ainsi à la vapeur, dévoila des génies cachés sur une piste sacrificielle marquée de passion. On retrouva en exergue dans une toute autre mesure, une autre dimension, une référence sans arrogance. Transmission, biographe, machine musicale, Ralph Boncy représenta à lui tout seul un synchronisme. Loin de ce moteur américain usé à Cuba trop souvent reconverti, Harold Faustin. Ce tutorial qui sacrifie la vedette chez l’artiste, il sait plutôt livrer comment alors noircir la partition de la pensée non éphémère, Marc-Yves Volcy. Une suggestion esthétique de la mémoire anecdotique. Ombre cachée, finfin Daléus. Aiguilleur ému, nostalgie utilitaire, il est pafin en famille et tant d’autres sobriquets dans ses relations. À tout art tout artiste, gare-frontière, spectre imaginaire en motion, le temps ressemble à celui de l’Orient Express, non pas pour le crime de monsieur Beddoes mais en billet pour ce rendez-vous sacerdotal où Captain se fit sirène, sifflet, portier, pour une traversée dominicale de vallées de trésors cachés d’Haïti, de prairies vertigineuses du Canada littéraire en devenir. Spectacle d’acrobatie linguistique, tout art confondu. Montréal en express. Le train jouissait de réputation à destination, des sujets, un parcours, une signature. Henri Salgado puis ses invités. Calibré sur la montre suisse rajouta un amateur passionné !

Le train n’est pas commercial. À-tout-art-tout-artiste se développa en crédits, attira  auditoire convoité, journalistes-animateurs-féodaux en quête d’inspiration, grivois de trottoir, ressources, style, catalogue, répertoire, lexique. Élitisme sans se faire élitiste en pompe, il avait sa formule : point de politique, « à tout art tout artiste ». Un jour comme tout jour de voyage, ce fut le dernier, sans avis ni préavis. Cette époque si elle nous manque, le train serait-il un patrimoine intégré de l’octave haïtien en fracas, ce folklore dissonant provoqué dans la consonance entre voyelles littéraire, musicale et picturale. Si peu de lune de service chez autant de dieux ? Illustrons la parèdre.

La dissonance chez Harold Faustin est au niveau du jazz en confrontation au compas de la partition haïtienne. Car, l’octave décrit dans le pattern-Dauphin, cette émotion que nous confirme la trame musicale de Shiller Joseph (mononcle, vedette de notre fictif Le Saxophoniste et, de Volo-Volo), n’est pas la même lue sur la partition du musicologue japonais, du même ensemble musical. La consonance chez Faustin vit par contre. Filmographie, musique de film, expertise reconnue. Non ménagée. Ce que je l’avoue, j’ai découvert bien plus tard, était le deus magnificat du Train-de-l’Art, Fausta-musicale, rituel d’invocation qui ramène la fameuse déesse, cette intelligence à tout art tout artiste, si l’on traduit ainsi la recherche limitée de Dauphin.

Si dissonance il y a chez Marc-Yves Volcy. Est-ce la quête de samba dans sa Mariva nostalgique ? Trésor passé d’un monde initié résumé en dimanche littéraire. Pause sacrificielle, restons dimanche soit sur scène soit en scène en alléluia-maria du Train-de-l’Art. Harmonie dans l’ère du temps, tutorial d’avenir incompris, passé insuffisant il reste une conscience dans les cœurs mais dans les chœurs d’enfants.

Identité communautaire par migration, référence logique à saveur internationale par ambition port-au-princienne, la dissonance est une lourde épreuve chez Ralph Boncy. La communauté lui réclamait une vision plus enclavée. L’auditoire plus large, un besoin encyclopédique spécialisé. Alain Brunet journaliste au quotidien La Presse le compris à l’origine et, la récupération télé de Musique Plus, par la suite, la radio, étalent cette dissonance. Il est l’oratorio maestria du Train-de-l’Art, le cardinal par appointement. Consonance, il n’y en a eu chez lui en fait, il se la refusa.

Flattons aussi ce monde temporel. Horloge synthétique, l’heure à appréhender. CIBL syntonisait « c’est si belle ». La vraie montre est selon le passager notable. Philippe Noiret passionnant décontracté, la théorie du plomb dans l’aile de veste d’inspecteur de police, de la mama grabataire. Un Ripoux dans Les Ripoux. Claude Lebreton un savoir-peindre chantant Yvonne a capella, une entrevue vertigineuse. Daniel Dortélus l’avocat du Nord, au Nord, Tropicana redécouvert. Jean-Pierre Brax la formule pourquoi. Pourquoi Haïti, alphabet de lettres haïtiennes pour une démocratie en alphabet. Pourquoi la France, rêve français en Californie. Des citations, Davertige. Provocation, Laferrière. Évocation, Laurenceau. En ce temps-là, Montréal vivait à ce rythme-là. Moult fuseaux-horaires se branchant malgré leur importance ressource.

Henry, Sony pour une amie d’enfance, avait réussi à infuser, à diffuser une culture opposée dans l’intérêt collectif de la chose. Je m’émeus souvent de cette époque ingambe, intelligente de passagers connus, incognito, inattendus. Le parallèle entre ce cinéaste-haïtien-coincé en Californie ne rimait malgré tout pas avec l’homme caché que représentait Roland Désir. Les dieux l’ont caché. Qui est ce Roland, c’est une puissante plume qui se corrige ad nauseam. Un regard intéressé à distance. Hyper perfectionniste reclus dans un monde de consommation. Une admiration-Onfray. Auteur d’inédits, sa colère consiste à vous réécrire vous inachevé, fut-ce-t-il déjà approprié. Oh, jamais je n’ai lu un si beau texte sur l’intégration. J’ai vécu le rêve du roi Nebucadnetsar in prophétie de Daniel dans la Bible. Qui peut me rappeler ce texte lu, me l’expliquer dans son contexte. Étonnement je redécouvre bien trop tard. Connexion lointaine, proposition au gré du hasard, Jean-Paul Enthoven lui dédie Saisons de papier par reconnaissance. L’ouvrage m’ouvre les yeux sur ce que le train n’a pas su nous offrir par faute de ressources. La mémoire sémantique du capitaine servit mais dû céder à la loi de la nature. Humanité de l’homme. Fin.

Que sont devenus mes amours, le paysage pittoresque a changé. Les héros sont-ils partis ? Faire dans le burlesque. Plus de prima donna au point du jour. Là ne sont plus les artistes qui manquent ni les hommes de culture qui ont disparu. Si la lune est un astre, la pensée est un désastre oublié. C’est ma formule de récupération. Elle fait défaut, fait dans le folklore. Faut-il alors courir le risque, reculer le temps, restaurer, redécouvrir nos intimes disparus, rénover un train mythique des années nonante et redémarrer en ère numérique hyper accélérée ? Le malheur du train était-il de vouloir versifier tout le monde. Dans un wagon. Quid de rassembler un monde ? L’audace Di Caprio dans the Titanic, contre la formule, depuis le concepteur jusqu’au metteur en scène en passant par l’intérêt même de l’insubmersible qui accueillait des sections cloisonnées de classe populaire. Affaire de train pour revivre la proximité, le succès planifié de Le Crime de l’Orient Express réside dans le fait de cabines multiples et de wagons allant aux aiguilleurs. Ceci permit à l’organisation de l’Orient Express et cela, à l’inspecteur Hercule Poirot, de gagner en succès, dans la résolution d’un crime qui restera histoire de l’Orient Express. Le Train-de-l’Art signa autrement. P Laguerre.

Le tendon d’Achille était-il alors la démocratie-alphabet affreusement dite Bamboche démocratique en littérature militaire haïtienne. D’où la culture de l’épilogue, le vin qui soule, l’ère du temps, le train s’arrêta. Soit sur les rails, soit sans gare ni crier gare, Paggylaguerre en première loge au milieu d’hortensias de Laurenceau et de myosotis de Jérôme. Le temps-panaché céda, la vapeur s’estompa, le péché de Montréal s’installa, siffla. Pas de marathon sur piste de 100M brasse, le palefrenier retourna aux écuries et on n’en entendit point parler. Paggylaguerre est ici un symbole. Était-ce là la route de l’égo la livraison y resta sur place. Trop tôt. Loin d’inscrire une conscience religieuse locale à cette entrevue, à mon avis, ce fut un malencontreux « zago loraj » dans la porcelaine de « madame la marquise ». Sinon, il n’y aurait de palefrenier ni d’écurie. Puis. Tout a disparu. Une telle désolation, comme par un enchantement désenchanté que Montréal n’avait souhaité. Une culture d’épilogue telle que prévue chez l’Haïtien, en fait c’est ici une autre affaire traitée dans une autre chronique.

Suis-je en train de glisser vers une crise nostalgique d’époque dans les appréciations tandis que la culture, les arts obéissent à l’évolution, au dynamisme. L’esthète lui-même avoue partir quand il chante aujourd’hui son moteur éteint par la perte de. Plus de plan, plus de projet. Si l’appréciation est due aux émotions qui appartiennent à chacun, les féodaux ont gagné. Trudeau les financera d’un joal-vert pour une culture féodale à la Gabon-SRC.Bongo. Qui est alors ce cinéaste qui regarnira onde et écran. Il faudra peut-être un Diego Arsuaga pour une nouvelle formule LOCO16-CIBL. Moi, je me prépare aux assises contre la culture d’épilogue sur la route du cinéma.
Merci d’y croire !
dan@danalbertini.co